La zone Sud-Est a subi ces dernières années nombre d’évolutions, accompagnées de réglementations nouvelles et variées. Cette année elle sera inaccessible aux familles la nuit. Étrange concept à Glastonbury.
La zone Sud-Est regroupe plusieurs espaces qui, à l’exception de la scène Truth, ne sont pas considérés comme des scènes à proprement parler, mais plutôt comme des espaces musicaux richement décorés. Ce sont des lieux où l’ambiance prime sur la musique elle-même, et qui s’animent particulièrement la nuit lorsque le reste du festival est endormi. De nouvelles restrictions d’accès vont y être imposées, nous allons le voir ici. Mais c’est aussi l’occasion pour raconter leur histoire.
La zone Sud-Est est née d’un festival off organisé à partir de 1985 à l’extérieur du site par les travellers.
En 1985, à la suite de la bataille des Beanfield, les new-age travellers viennent trouver refuge à Glastonbury. Michael Eavis leur fournit un espace de campement dans Clapps Ground, à l’extérieur de l’enceinte du festival (cf. Histoire – Chapitre 8). C’est là que se trouve la zone Sud-Est actuellement. Et c’est même les travellers, qui, en arrivant là vont créer la zone. Dans leur campement, les travellers organisent un festival off qui ressemble beaucoup au free festival qui avait originellement lieu à Stonhenge. Cette population nomade, s’installe sur place à l’avance, et d’année en année élabore des animations de plus en plus inventives, des décors de plus en plus étonnants. C’est de ce groupe, par exemple qu’émerge la compagnie Mutoïd Waste de Joe Rush, créateur entre autres d’Arcadia, Cineramageddon, mais aussi le resté célèbre Carhenge (une réplique de Stonehenge construite avec des épaves de voitures). C’est là aussi qu’apparaissent tipi et yourtes.
Au fur et à mesure des années, les festivaliers, prennent l’habitude, le soir de quitter l’enceinte officielle pour se rendre dans le camp des travellers. Alors que les scènes officielles s’interrompent au milieu de la nuit, il est possible dans ces lieux de continuer la fête. On y trouve dans des décors originaux bricolés, musique, nourriture, alcool, drogues, et feux de camps. Sans doute faut-il voir dans le côté sulfureux de l’endroit, la raison pour laquelle on l’a informellement baptisé Babylon. Mais cette excroissance non contrôlable du festival, puisque non officielle, commence à poser problème. La population qui s’y entasse est d’année en année plus importante, et le district de Mendip, pourtant accorde une license aux organisateurs limitant le nombre de personnes sur site. Or si ce nombre est bien respecté à l’intérieur du festival, la quantité de travellers présents dans Clapps Ground, fait largement dépasser les quotas fixés. De plus, les travellers n’ont pas bonne réputation, en particulier on ne pas nier que leur camp est un lieu de deal majeur. La population environnante commence à se plaindre. Et rapidement la license accordée au festival est remise en cause au sein du conseil de Mendip.
Mais le champ des travellers disparait en 1990 suite à de très importantes émeutes.
En 1990, la situation est extrêmement tendue autour de Babylon. En particulier, certains membre de la sécurité, qui ne supportent pas de voir les travellers, s’en prennent à eux. Des bagarres éclatent fréquemment en périphérie du site, zone contrôlée justement par les vigiles. En particulier, lors de ces échauffourées les travellers capturés sont souvent accusés de dealer et délestés de la drogue qu’ils transportent. Si l’accusation est souvent juste, il reste que les gros bras de la sécurité, ne sont pas aussi angéliques qu’ils voudraient le faire croire. Ils mettent un peu de beurre dans les épinards en revendant sur le site du festival, les produits confisqués. Evidemment les travellers l’apprennent et les tensions entre les deux groupes s’exacerbent.
Lorsque l’édition 1990 se termine tout va relativement bien, le festival s’est correctement déroulé. A cette époque, Glasto est une sorte de far-west assez trouble, un peu dangereux, sans plus. Donc, en définitive quelques bagarres par ci par là, c’est la routine, mais cette année là, rien de spécial à noter à ce stade. Comme d’habitude, le public quitte progressivement le site dimanche dans la nuit, et le lundi matin. Le lundi, de nombreux objets, abandonnés par les festivaliers, restent sur place. Les travellers entrent sur le site pour récupérer ce qui peut l’être. C’est à ce moment là que l’émeute débute, lorsqu’un membre de la sécurité s’en prend à un traveller, en l’accusant de voler du matériel de camping visiblement abandonné. La situation dégénère, et une bataille rangée débute entre travellers et sécurité, interrompue tard dans la nuit par les forces de l’ordre.
Conséquence de ces évènements particulièrement violent, l’édition 1991 est annulée. Une année de jachère est instaurée, pendant laquelle les organisateurs réorganisent le site. Le champ des travellers est supprimé, mais certains d’entre eux sont judicieusement intégrés à l’organisation, afin d’éviter un envahissement l’année suivante. On leur confie dès 1992, de nouvelles zones: Avalon et Tipi Circle. Petit à petit ces zones vont s’élargir vers l’Est pour donner l’espace que l’on connait aujourd’hui.
La zone Sud-Est devient victime de son succès, et des solutions sont recherchées pour y remédier.
Au début des années 2010, dès que les scènes se font silencieuses, la zone Sud-Est se remplit très vite, trop vite. Il faut donc trouver des solutions pour désengorger les lieux. En 2013 Arcadia, qui se trouvait antérieurement dans la zone, en est sortie. L’année suivante, un système de circulation est mis en place. Pendant la nuit, on entre par un chemin unique, et les accès sont comptabilisés. En parallèle de tout ceci, les organisateurs s’emploient à mettre en place d’autres animations nocturnes en divers points épars sur le site du festival. Tout d’abord, il y a quelques bars musicaux qui restent ouverts toute la nuit à the Park, mais il y a aussi Arcadia, Cineramageddon, the Wood, San Remo, Strummerville… Plein d’endroits qui ferment entre 3h00 et 5h00 du matin.
Il est évident que c’est un endroit à visiter la nuit. Donc, dès minuit, il y a systématiquement un afflux énorme de gens dans la zone. certains y viennent pour y passer la nuit dans un des nombreux bars ou boites ou les deux, d’autres viennent pour faire un tour et découvrir l’endroit. Ca se désengorge donc vers 2h00, mais en début de nuit ça sature.
Nouvelle règle d’accès à la zone Sud-Est. Les familles ne sont plus autorisées dans la zone la nuit.
Il apparait qu’en 2022 une quantité non négligeable de personnes n’ont jamais regagné leur tente certaines nuits et sont restées toute la nuit dans les zones d’animation nocturnes. Il semblerait que ce soit une conséquence de la longue pause causée par la crise COVID, et l’envie, en 2022 de profiter pleinement du festival. Parmi ces noctambules, il y avait nombre de familles accompagnées d’enfants. Ces derniers étant souvent transportés dans des carrioles encombrantes, il a été décidé de les interdire dans la zone Sud-Est à partir de 22h00. Restreindre des accès dans Glastonbury n’est pas chose commune, et la liberté prime en général. Mais on conseille aux familles d’emmener dans d’autres zones plus adéquates pour les jeunes individus. Il faut bien reconnaitre que Unfair Grounds, Shangri-La, et Block 9 sont plutôt destinés à un public adulte.
Pour conclure ce bilan, voici le documentaire Glastonbury After Hours de Julien Temple, qui avait réalisé le fameux docu Glastonbury de 2006, et qui justement traite de la nuit à Glasto, et en particulier de la zone Sud-Est. Ce film date de la jachère 2012, et montre essentiellement les lieux tels qu’ils étaient en 2011 lorsqu’Arcadia se trouvait encore là bas. Et si vous avez bien lu ce qui précède vous comprendrez donc pourquoi la première image du film montre quelqu’un bruler la carte de Babylon.